Quand s'affirmer devient un combat intérieur : entre inconfort, inhibition et inertie
- Bisera MESIC

- 22 mai
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 29 sept.
Dans l’imaginaire collectif, « s’affirmer » est souvent présenté comme une question de volonté : il suffirait de parler plus fort, de dire « non » quand on le pense, de prendre sa place. Pourtant, en séance, nombreux sont les patients qui expriment une grande difficulté à s’affirmer, non pas par manque de désir ou de conscience, mais parce qu’un profond inconfort psychique émerge au moment d’agir.
Pourquoi s’affirmer peut-il sembler si menaçant ? Pourquoi, face à une situation où il faudrait se positionner, dire ce que l’on pense ou simplement exister pour soi, certaines personnes se figent-elles, se taisent, ou adoptent-elles une posture d’effacement ?
L’origine inconsciente du blocage
Dans une lecture psychanalytique, ces blocages ne sont pas de simples défauts de caractère, mais des symptômes porteurs de sens. L’inhibition de l’affirmation de soi peut s’enraciner dans des expériences précoces où l’expression de soi a été vécue comme dangereuse, punie, ou ignorée. Le sujet a pu intégrer, souvent inconsciemment, que manifester sa volonté ou son individualité mettait en péril le lien à l’autre — lien parfois vécu comme vital.
Dire ce que l’on pense devient alors un acte porteur de culpabilité ou d’angoisse de rejet. Derrière cette peur de s’exprimer, on retrouve souvent des figures parentales exigeantes, intrusives ou absentes, qui n’ont pas suffisamment soutenu l’émergence du désir propre chez l’enfant. L'affirmation de soi entre alors en conflit avec des représentations archaïques du danger d’exister pleinement.
L’inertie psychique comme défense
Lorsqu’un conflit psychique reste non résolu, une des réponses possibles de l’appareil psychique est l’inertie : une forme de retrait de l’action, un repli, parfois imperceptible, qui vient masquer le conflit interne. Ce n’est pas un simple « je ne peux pas », mais souvent un « je ne me sens pas autorisé à ».
L’inertie devient alors une défense contre la souffrance psychique : elle évite le surgissement d’émotions trop intenses (peur, honte, colère), mais elle enferme le sujet dans une posture d’impuissance. L’énergie psychique est mobilisée non pas pour agir, mais pour se protéger du risque perçu qu’implique le fait de s’affirmer.
Retrouver une parole vivante
En thérapie, il s’agit alors de reconstruire progressivement un espace interne sûr, où la parole peut circuler sans menace. Ce travail passe par une mise en mots de ce qui est vécu, par l’exploration des peurs inconscientes associées à l’expression de soi, et par la possibilité d’expérimenter, dans la relation thérapeutique, un lien qui ne punit pas le désir d’exister.
Loin d’un simple « coaching de l’affirmation de soi », le travail thérapeutique engage le sujet à revisiter son histoire, à renouer avec ses élans refoulés, et à se réapproprier des parties de lui-même longtemps mises sous silence.
S’affirmer, dans cette perspective, ne se réduit pas à un acte extérieur. C’est une expérience intérieure de reconnexion avec son désir, une désidentification progressive de la peur, et une ouverture vers un mouvement de vie là où régnait l’immobilité.




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